Introduction

Les combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) sont la matière première de l'industrie chimique et la source d'énergie la plus utilisée dans le monde : ils fournissent plus de 80% de l'énergie utilisée, loin devant l'énergie nucléaire et les autres formes d'énergie (hydraulique, éolienne, solaire...). Les besoins mondiaux en énergie ont augmenté de façon considérable au cours du vingtième siècle et le développement des pays émergents comme la Chine permet de prévoir une augmentation encore plus rapide dans les prochaines décennies. L'Agence Internationale de l'Énergie prévoit que la demande des vingt-cinq prochaines années nécessitera une production égale à celle des cent cinquante années d'exploitation des combustibles fossiles. Mais les ressources ne sont pas inépuisables : ces produits sont formés par une succession de mécanismes biologiques et géologiques qui mettent des millions d'années à s'accomplir, ces ressources ne sont donc pas renouvelables à une échelle de temps humaine.

Cet article rappelle le mécanisme de formation de ces combustibles ainsi que leur composition puis dresse un panorama des réserves mondiales disponibles.

Formation du pétrole, du gaz naturel et du charbon

Décomposition de la biomasse

Les êtres vivants sont constitués principalement de carbone, d'hydrogène, d'azote et d'oxygène. Lorsqu'un être vivant meurt, sa matière organique est décomposée par l'activité microbiologique. Dans un milieu aérobie (où le dioxygène circule librement), tout le carbone est transformé en dioxyde de carbone. On parle alors de « minéralisation totale ». En revanche, si la matière sédimente dans un milieu anaérobie (comme certains fonds marins par exemple), la minéralisation s'arrête dès que tout le dioxygène initialement présent a été consommé. La plus grande partie de la biomasse subit une minéralisation totale et seule une très faible partie, environ 1%, sédimente (voir la figure suivante). C'est cette fraction qui est à l'origine du pétrole, du gaz naturel et du charbon.

Fraction de la biomasse transformée en combustibles fossiles
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Formation et pyrolyse du kérogène

En l'absence de dioxygène dans la couche sédimentaire, seule l'activité des bactéries anaérobie est possible. Ces bactéries extraient de la matière l'oxygène et l'azote dont elles ont besoin. Le résidu est appelé « kérogène1 », c'est un mélange de composés de masse moléculaire très élevée principalement constitué de carbone et d'hydrogène. Cette activité est observée sur une profondeur de l'ordre du millier de mètre au sein de la couche terrestre (voir la figure suivante). Elle constitue la dernière partie biologique du cycle de transformation.

La tectonique des plaques provoque l'enfoncement de la « roche mère », la couche sédimentaire qui contient le kérogène, à une vitesse de quelques mètres à quelques dizaines de mètres par million d'années. À mesure qu'il s'enfonce, le kérogène est soumis à des pressions et des températures de plus en plus élevées. À partir de quelques milliers de mètres de profondeur, lorsque la température a atteint une valeur suffisamment élevée (entre 50 et 120°C) et en l'absence d'oxygène, le kérogène commence à se décomposer sous l'effet de la chaleur. Cette pyrolyse produit principalement du pétrole, du gaz naturel, du dioxyde de carbone et de l'eau. La figure suivante montre l'allure de l'évolution du kérogène avec la profondeur d'enfouissement. Dans un premier temps, la formation de pétrole et de gaz est simultanée, puis celle de pétrole passe par un maximum et devient négligeable par rapport à la production de gaz.

Evolution du kérogène en fonction de la profondeur d'enfouissement
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Migration et accumulation en gisements des combustibles fossiles

Les produits de la pyrolyse du kérogène sont initialement prisonniers de la roche mère mais ils peuvent en être expulsés. Le mécanisme d'expulsion est encore inconnu, ce pourrait être par exemple l'apparition de microfissures au sein de la roche suite à l'augmentation de pression interne due à l'apparition des produits. Une fois expulsés, les produits progressent vers la surface. S'ils rencontrent sur leur trajet des roches poreuses (« roches réservoirs »), ils sont piégés dans les pores et forment un gisement en profondeur. Dans le cas contraire, ils parviendront à la surface. Les premiers gisements de pétrole connus de l'homme, en Mésopotamie durant l'antiquité, étaient de tels affleurements. Ils sont aujourd'hui épuisés et l'exploitation nécessite des forages en profondeur.

Nature des différents combustibles fossiles

Le charbon

Le charbon est une variété particulière de kérogène formée à partir de matière organique de végétaux supérieurs (arbres, fougères...). Sa pyrolyse va conduire à des composés de plus en plus riches en carbone (le bois est constitué d'environ 50% de carbone) : la tourbe (50 à 55%), le lignite (55 à 75%), la houille (75 à 90%) et l'anthracite (> 95%) qui est le charbon proprement dit (voir la figure suivante). Comme pour les autres kérogènes, la pyrolyse du charbon génère du pétrole et du gaz naturel. C'est ce dernier qui est responsable du « coup de grisou » dans les mines de charbon.

Formation du charbon
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Le pétrole

La composition de chaque gisement est unique et dépend de son passé biologique et géologique. On y trouve plusieurs milliers de molécules différentes, essentiellement des hydrocarbures. Les pétroles sont classés en trois catégories principales en fonction de leur constituant majoritaire :

Pétrole Constituants majoritaires Exemples
paraffiniques

ils contiennent une grande quantité d'alcanes, linéaires (« paraffines »)

ou ramifiés (« isoparaffines »), non-cycliques

naphténiques

ils contiennent une grande quantité d'hydrocarbures cycliques (cyclohexane ou

« naphtène » et dérivés)

et polycycliques

aromatiques ils contiennent une grande quantité de composés aromatiques (benzène et dérivés)

Le pétrole brut, c'est à dire avant raffinage, contient également des éléments autres que le carbone et l'hydrogène : le soufre est le plus abondant (à hauteur de 0,2 à 5 %), viennent ensuite l'azote et l'oxygène (de 0 à 1 %). On trouve également des cations métalliques complexés (vanadium, nickel).

Le gaz naturel

À grande profondeur, les hydrocarbures formés par pyrolyse peuvent subir des réactions de craquage. Ils sont alors transformés en alcanes de plus en plus légers, jusqu'au méthane CH4 : le plus simple des alcanes et principal constituant du gaz naturel (70 à 95 %) (voir la figure suivante). D'un gisement à l'autre, on peut trouver des quantités variables en

  • éthane, propane et butane : alcanes gazeux à température et pression ambiante

  • alcanes de 5 à 8 atomes de carbone qui se liquéfient à température ambiante et pression atmosphérique pour former le condensat de gaz naturel

  • sulfure d'hydrogène. Le gisement de Lacq, en France, contenait 15 % de sulfure d'hydrogène, ce qui a justifié la construction d'une unité de récupération et d'exploitation de ce gaz

  • diazote, dioxyde de carbone

Constitution d'un gaz naturel brut
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Il faut noter que le cinquième des réserves de gaz naturel est formé, non pas par la pyrolyse du kérogène, mais par la décomposition de la matière organique par des bactéries. On parle alors de gaz biogénique par opposition au gaz thermogénique.

Réserves mondiales

L'évaluation des réserves en combustible fossile est délicate. Il existe d'une part des facteurs politiques qui peuvent, pour des raisons stratégiques, amener les états ou les entreprises à majorer ou minorer les chiffres donnés. D'autre part la notion même de réserve est complexe et évolue en fonction des progrès dans la connaissance géologique des bassins et des techniques d'exploitation. On classe les réserves en différents types :

  • Réserves prouvées : ce sont les quantités de combustibles fossiles récupérables dans les conditions économiques et techniques du moment. Elles sont évaluées avec une probabilité d'existence de l'ordre de 90 %.

  • Réserves probables : ce sont les quantités de combustibles fossiles récupérables dans les conditions économiques et techniques du futur proche (techniques connues mais non-utilisées). Elles sont évaluées avec une probabilité d'existence de l'ordre de 50%.

  • Réserves possibles : ce sont les quantités de combustibles fossiles récupérables dans les conditions économiques et techniques du futur (techniques encore inconnues).

La somme de ces réserves constitue ce qu'il est convenu d'appeler la réserve ultime.

La synthèse des diverses estimations permet de proposer le tableau et la figure suivants pour les réserves prouvées (source : WEA). La consommation mondiale pour l'année 1998 ainsi que la consommation cumulée de 1860 à 1998 sont données à titre de comparaison.

Combustible fossile Réserves prouvées Consommation mondiale en 1998 Consommation mondiale de 1860 à 1998
Pétrole 140 Gtep 3,4 Gtep 123 Gtep
Gaz naturel 130 Gtep 2,0 Gtep 57 Gtep
Charbon 494 Gtep 2,2 Gtep 143 Gtep

tep est l'acronyme pour tonne équivalent pétrole. C'est une des unités usuelles de mesure de l'énergie des combustibles fossiles. 1 tep = 42 GJ.

Consommation et réserves de pétrole, gaz naturel et charbon
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Lorsque l'on prend en compte les réserves possibles, la quantité de pétrole disponible est doublée, celle de gaz naturel triplée et celle de charbon multipliée par dix. Mais même si on se place dans ce cadre, qui est le plus optimiste, on constate que les réserves de combustibles fossiles sont loin d'être inépuisables à l'échelle humaine. Dans l'ensemble, les prévisions s'accordent sur un début de décroissance de la production mondiale de combustibles fossiles entre 2010 et 2050 et un épuisement des réserves ultimes au cours du prochain siècle.

Conclusion

L'étude de la composition chimique des combustibles fossiles a montré que ce sont des résidus de matière organique ayant subi des transformations chimiques étalées sur plusieurs millions d'années. Les prévisions s'accordent sur le fait que l'activité humaine aura en quelques centaines d'années épuisé les réserves constituées en des temps géologiques. Des scénarios plus ou moins optimistes sont envisagés : à l'heure actuelle, pour des raisons techniques, seul 35% du pétrole contenu d'un gisement peut en être extrait. Il reste donc des quantités considérables de matière non-exploitées dans les gisements connus et les progrès techniques permettront sans doute d'en tirer profit. Malgré cela, il est clair que le développement de l'humanité ne saurait être durable1 en ayant comme principale source d'énergie les combustibles fossiles. Il existe d'autres sources d'énergie, certaines sont inépuisables à l'échelle humaine (énergie solaire, énergie géothermique, fusion nucléaire), d'autres sont rapidement renouvelables (biomasse), mais leur exploitation est pour l'instant marginale par rapport à celle des combustibles fossiles. Le développement des énergies alternatives est un des principaux défis du futur proche.

Bibliographie et ressources en ligne

Origine des combustibles fossiles

  • B. Tissot, « Origine du pétrole et réduction du risque en exploitation pétrolière ». Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, série générale t. 5 (1988) 73.
  • P-A. Bourque, cours en ligne sur le site du département de géologie et de génie géologique de l'université de Laval, Québec.

Utilisation des combustibles fossiles en chimie industrielle

  • R. Perrin, J-P. Scharff, « Chimie Industrielle », 2ème éd., 1997, Dunod.
  • K. Weissermel, H-J. Arpe, « Chimie organique industrielle », 2000 DeBoeck.

Données sur la consommation, statistiques, prévisions

  • Le site de l'Agence Internationale de l'Énergie : données statistiques et prévisions.
  • World Energy Assessment : rapport sur l'énergie dans le monde « l'énergie et le challenge du développement durable » dans le cadre du programme des Nations-Unies pour le développement.
  • J. Laherrère « État des réserves des combustibles fossiles ». Contribution au débat sur « l'énergie au XXIème siècle » du site de la Société Française de Physique.
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