Le radium est un élément de la famille des alcalino-terreux. Il en existe 25 isotopes mais seuls quatre sont présents dans la nature. Parmi eux, le plus abondant est le 226Ra qui se caractérise par une période de 1600 ans environ.
Découverte et contexte historique
Le radium a été découvert par Pierre et Marie Curie en 1898 (Figure 1).
C’est une période d’émulation scientifique : Röntgen découvre par hasard les rayons X en 1895. Henri Becquerel s’intéresse à ce phénomène et découvre que les sels d’uranium émettent des rayons différents des rayons X. Ils sont appelés rayons uraniques.
Pendant ce temps, Marie Curie recherche un sujet de thèse. Sa curiosité est attirée par la découverte de Becquerel et elle étudie alors les sels d’uranium. Elle déduit de ses expériences que l’intensité du rayonnement est proportionnelle à la quantité d’uranium. De plus, ce rayonnement est indépendant de facteurs extérieurs (lumière, température…). Elle réalise peu de temps après que ce rayonnement est une propriété atomique, propre à l’atome. C’est ainsi qu’elle découvre que le thorium est comme l’uranium. Marie Curie appelle ce phénomène, la radioactivité.
Une fois l’étude de sels et d’oxydes d’uranium faites, elle se penche sur les minéraux contenant de l’uranium. Elle découvre alors que certains minéraux, dont la pechblende (Figure 3) fait partie, ont une radioactivité bien plus élevée qu’attendu. Après maintes vérifications, elle en conclut que la pechblende contient un élément inconnu mais ayant une radioactivité bien plus forte que l’uranium.
C’est à ce moment que Pierre Curie rejoint son épouse et ils conjuguent leurs efforts afin d’isoler cet élément. La pechblende est un minerai de composition connue, ils séparent alors peu à peu les divers constituants en utilisant les traitements connus. Les époux réussissent à isoler deux fractions très radioactives : ils en concluent la découverte de deux éléments nouveaux. C’est ainsi qu’en juillet 1898, ils annoncent la découverte du polonium et en décembre de la même année, celle du radium.
Mais la communauté scientifique demeure perplexe et demande à voir ses éléments. Les époux Curie se partagent alors le travail : Pierre Curie étudie la radioactivité tandis que Marie isole le radium. C’est ainsi que commence une période de travail de quatre années, au cours desquelles ils publieront une trentaine d’articles et plusieurs mémoires.
Finalement, Marie Curie isole 0,1 g de sel de radium pur et détermine la masse molaire du radium : 226 g.mol-1. Pierre Curie, quant à lui, découvre de nombreux phénomènes associés à la radioactivité du radium notamment l’émission de gaz (le radon), de lumière et de chaleur (Figure 5). Il découvre également des phénomènes plus généraux tels que l’existence de 3 types de rayonnements, qui seront appelés α, β et γ par la suite.
En 1903, les Curie ainsi qu’Henri Becquerel sont récompensés pour leurs travaux en recevant le prix Nobel de physique (Figure 6). C’est la consécration pour le couple.
Les utilisations du radium
Domaine médical et industrialisation
Le radium, grâce à ses propriétés radioactives, suscite l'enthousiasme jusqu'aux années 1940. Il est ainsi décliné dans divers domaines tels que la radiothérapie, la pharmacologie, l'industrie ou encore dans la vie quotidienne.
En 1900, deux Allemands, Walkhoff et Giesel, ont découvert que le radium a des propriétés physiologiques. Ainsi, Pierre Curie, en collaboration avec de grands médecins, décide alors d’en étudier les effets sur des animaux. Ils constatent que le radium peut soigner des plaies voire des tumeurs. En juin 1901, Pierre Curie et Henri Becquerel publieront ensemble une note sur « les effets physiologiques des rayons du radium » : c’est le début de la radiothérapie que l’on appelait à l’époque radiumthérapie ou Curiethérapie.
Ainsi, les médecins vont se servir d'aiguilles ou d'applicateurs au radium (pansements, cataplasmes) (Figure 7) pour soigner des tumeurs et d'autres affections cutanées. Les résultats sur les maladies dermatologiques ainsi que sur les cancers de la peau sont très prometteurs. C'est pourquoi, la radiothérapie a été par la suite testée sur de nombreuses maladies incurables de l’époque (cancer, tuberculose...).
Le radium a également été utilisé durant la Première Guerre Mondiale pour effectuer des radiographies afin de localiser précisément les balles à l'intérieur des blessés et ainsi de faciliter les opérations chirurgicales. Marie Curie participe à la conception d’unités chirurgicales mobiles en créant dix-huit voitures de radiologie, surnommées les « Petites Curies » (Figure 8), qui sont envoyées au front.
Suite au prix Nobel de 1903 et au succès de la « radiumthérapie », le radium se démocratise et ses propriétés extraordinaires sont très largement mises en avant
Ainsi, dès le début du 20ème siècle, le radium est utilisé pour réaliser des peintures radioluminescentes. En effet, les sels de radium associés à du sulfure de zinc dans un vernis constituent une peinture qui émet une lumière continue peu intense. De ce fait, l’industrie horlogère va utiliser ces peintures pour confectionner des réveils et pendules fluorescents. Les propriétés radiofluorescentes du radium ont également été utilisées pour le balisage nocturne.
Un peu plus tard, des fabricants de produits pharmaceutiques diffusent de nombreux produits dérivés contenant du radium aux vertus miraculeuses, qui sont non avérées médicalement. C’est ainsi que vont apparaître des émanateurs de radon, des pommades, des compresses, des ampoules, des potions buvables, de la laine et des compléments alimentaires pour animaux (Figures 9 et 10).
Notion de risques
Ce n'est que progressivement que l'on se rendra compte du danger des rayonnements du radium. Les premiers alertés sont les travailleurs du radium. Par exemple, plusieurs décès sont observés à l'Institut du Radium de Londres, consacré aux applications médicales. C'est pourquoi, en 1921, une série de recommandations et de règles de protection sont publiées : les murs des salles de radiothérapie sont désormais doublés de plomb et les manipulations du radium requièrent l'utilisation de précautions particulières. Toutefois, ces protections ne sont pas suffisantes.
L'industrie, en revanche, ne semble pas vraiment préoccupée par le danger potentiel des rayonnements et les conditions de travail dans les usines restent dangereuses. En 1917, plusieurs cancers sont signalés chez des ouvrières qui utilisent une peinture luminescente au radium et affinent leur pinceau à la bouche : c'est le procès des Radium Girls.
Fin 1934, le Ministre du Travail classe les maladies liées à la fabrication des sels de radium dans la liste des maladies professionnelles au même titre que le saturnisme (intoxication au plomb).
En 1937, le radium est interdit pour les utilisations non médicales.
Le radium aujourd'hui ?
En 1934, Irène et Frédéric Joliot découvrent la radioactivité artificielle, montrant ainsi que l'on peut créer des radionucléides non présents dans la nature, et reçoivent le prix Nobel de chimie en 1935. Dans le domaine médical, le radium a été officiellement abandonné en 1976 pour des raisons de radioprotection et a été remplacé par l'Iridium-192 et le césium-137 en radiothérapie.
L’abandon de l’usage du radium a laissé de nombreux sites pollués (sites dont le sol ou les bâtiments ont été contaminés par le radium) et objets radioactifs. Aujourd’hui, l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RadioActifs, Figure 11) est chargée de collecter et de stocker les objets contenant du radium.
Dangers et risques avec le radium
Rappels
Comme nous l’avons vu, le radium émet des rayonnements α et γ. Mais de quoi s’agit-il ? Le rayonnement α correspond simplement à l’émission d’atomes d’hélium lors de la désintégration du noyau. Le rayonnement γ est quant à lui constitué de photons, comme la lumière visible ou les rayons X, mais ceux-ci portent une énergie beaucoup plus importante, ce qui les rend dangereux. Il existe également un autre type d’émission : le rayonnement ß. On peut le décomposer en rayonnement ß+ (émission de positrons) et en rayonnement ß- (émission d’électrons). Il faut noter que le radium et ses descendants ne sont pratiquement pas concernés par ce dernier type de rayonnement (Figure 12).
Différents types d'exposition
On distingue trois types d’exposition aux rayonnements dûs au radium et à ses descendants :
- l’exposition externe ;
- l’exposition interne par inhalation ;
- l’exposition interne par ingestion.
Ces différents types d’exposition n’impliquent pas les mêmes conséquences biologiques sur les individus.
L'exposition externe
Elle est principalement due aux rayonnements γ et X produits par le radium et ses descendants lors de leur désintégration. La dose reçue ici dépend du temps où l’individu est exposé à la source ainsi que de la distance à la source de rayonnements. Le point essentiel à considérer ici est que l’exposition cesse dès lors que l’individu quitte le lieu contaminé, ce qui n’est pas le cas avec les deux autres types d’exposition.
L'exposition interne par inhalation
Elle peut se produire à deux occasions. Si l’on considère le radon – produit par désintégration du radium -, l’exposition se produit car cet élément est gazeux : lorsque le sujet respire, il emmagasine dans ses poumons du radon et l’entrée dans l’organisme se produit au niveau des échanges air-sang. Concernant les autres éléments de la famille radium, seule une remise de particules radioactives en suspension dans l’air peut conduire à une inhalation de ceux-ci étant donné qu’ils ne sont pas à l’état gazeux.
L'exposition interne par ingestion
Une incorporation par ingestion de tels éléments ne peut se produire que dans deux cas :
- si des individus cultivent des aliments sur une terre contaminée et les consomment après ;
- si des individus sont en contact, notamment par les mains, avec des terres contaminées et mettent alors leurs membres exposés en contact avec leur bouche.
Dans les deux cas, la contamination se produit au niveau de l’ensemble du tube digestif.
Il est important de noter qu’en cas d’exposition interne, c’est la capacité du corps de l’individu à excréter – par les urines, les selles et la sueur - les éléments radioactifs qui est en jeu : plus ceux-ci seront éliminés rapidement, moins lourdes seront les conséquences au niveau biologique. Dans cette perspective, il est intéressant de remarquer que la période biologique – le temps au bout duquel la moitié de la substance qui a pénétré dans l’organisme est éliminée à l’extérieur - du radium est de 900 jours dans l’organisme entier et de 66 mois en particulier dans les os. Cette période biologique importante dans le cas des os s’explique par la substitution qui s’y opère du calcium par le radium.
Les effets sanitaires
Les effets des rayonnements ionisants ont été clairement établis pour des niveaux d’exposition très élevés et dans le cas d’ingestion des éléments radioactifs. En effet, l’exposition à des niveaux élevés implique un nombre important de mutations de l’ADN. Elles finissent alors par ne plus être réparées par les organes de contrôle de qualité de l’ADN et ces mutations finissent par induire une détérioration de la santé des cellules concernées. La présence de telles cellules peut ainsi conduire un organe à ne plus fonctionner normalement et des maladies à apparaître.
De l’ensemble des études menées, il apparaît une hausse statistique du nombre de cancers, en particulier des leucémies et des cancers des os de type sarcome – une tumeur maligne du tissu conjonctif – quand les doses reçues sont conséquentes.
Une hausse du nombre de maladies génétiques a également été observée suite à des irradiations importantes. De plus, on constate également une hausse du nombre de malformations et des retards mentaux chez les populations ayant été exposées in-utero pendant la grossesse. Enfin, des doutes subsistent sur le risque de multiplication des maladies cardiovasculaires.
Dans le cas particulier du radon, on remarque une multiplication du risque de développer un cancer du poumon suite à une surexposition, celle-ci étant encore plus importante chez les individus souffrant de tabagisme. Concernant les effets de doses plus faibles sur la santé, on considère généralement que l’atteinte est proportionnelle à la dose reçue (effet linéaire).
Références et Ressources en Ligne
- Madame Curie, Eve Curie, Gallimard, 1938.
- H. Becquerel et P. Curie, CR AS, 132, 1289, 1901.
- Marie Curie - Portrait intime d'une femme d'exception ; publié sur CultureSciences-Chimie.
- Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN)
Crédits photographiques :