Dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, un stimulus bactérien, le lipopolysaccharide (LPS) qui est un constituant de la paroi des bactéries notamment présentes dans l’intestin, peut conduire dans certaines conditions à une inflammation au niveau intestinal. Des chercheurs et chercheuses ont montré que l’inflammation induite par le LPS démarre par un stress oxydant, et qu’une molécule appelée Mn1 diminue à la fois le stress oxydant et l’inflammation. Publiés dans Angewandte Chemie International Edition, ces travaux pourraient contribuer au traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Maladies inflammatoires chroniques de l'intestin
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin telles que la maladie de Crohn sont caractérisées par une inflammation de la paroi du tube digestif. Évoluant par poussées alternées de périodes de rémission, ces pathologies, qui affectent plus de 200 000 personnes en France, bouleversent fortement leur qualité de vie. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif, les médicaments actuels ne permettent que de contrôler et de soulager les symptômes.
Les complexes inorganiques, composés d’un ligand organique lié à un cation métallique, sont essentiels à la vie. On sait aujourd’hui que les cations métalliques présents au sein de ces complexes, comme le fer au cœur de l’hémoglobine, participent à la plupart des processus fondamentaux du vivant. Ces molécules sont donc de plus en plus utilisées pour des applications biologiques et médicinales, notamment en tant que médicaments (métallomédicaments).
Stress oxydant
Les ions manganèse sont représentés en rose.
La surproduction de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) et la dérégulation de protéines de protection contre le stress oxydant, comme les superoxyde dismutases (SOD), participent d’une inflammation chronique, que l'on retrouve dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Mn1 est un complexe métallique qui reproduit l’activité des SOD. Comme la SOD2 (SOD mitochondriale), Mn1 possède un ion manganèse (Mn), tout en étant plus simple et beaucoup plus petit que la protéine SOD2. Des chercheurs et chercheuses du laboratoire Chimie physique et chimie du vivant (CPCV, CNRS/ENS–PSL/Sorbonne Univ.), du laboratoire Spectrométrie de masse biologique et protéomique (SMBP, CNRS/ESPCI Paris–PSL) et du Centre de recherche Saint-Antoine (CRSA, Inserm/Sorbonne Univ./EPHE—PSL) ont montré d’une part que l’inflammation induite par le lipopolysaccharide (LPS) démarre par un stress oxydant, et que Mn1 est capable de diminuer à la fois le stress oxydant et l’inflammation.
Identification d'un médicament potentiel
Ces travaux ont été menés sur une lignée de cellules épithéliales intestinales d’origine humaine, dont le niveau de stress oxydant et d’inflammation a été suivi par une méthode dite de kinetic redox shotgun proteomic strategy. Cette approche analyse les protéines présentes dans un échantillon et est capable de déterminer leur quantité. L’équipe a perfectionné la méthode : ils peuvent aussi quantifier, au sein des protéines, les oxydations réversibles des cystéines, un acide aminé naturellement présent. Cela constitue une signature de la quantité de ROS à un instant donné : ce qui permet de déterminer, dans le temps, l’état redox de la cellule. Dans cette étude, la méthode a été appliquée sur une plage allant de quinze minutes à six heures sur des cellules de l’intestin activées par le LPS, qui conduit à de l’inflammation. De manière intéressante, la présence de Mn1 atténue la première phase d’oxydation, qui a lieu aux temps courts (15-30 minutes), avant même que les cellules ne renforcent leur production de protéines antioxydantes. Ces travaux montrent un lien direct entre le stress oxydant et l’inflammation, le stress oxydant précédant la réponse inflammatoire objectivée par la quantification de l’interleukine 8 (IL8) ou de la lipocaline (LCN2) (voir figure 2).
Mn1 est aussi capable de limiter les modifications des quantités de protéines induites par le LPS. Ces études sur Mn1 pourraient conduire à un traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et les chercheurs et chercheuses vont continuer d’étudier les propriétés de Mn1 et de perfectionner ses effets antioxydants et anti-inflammatoires.
Référence
Martha Zoumpoulaki, Giovanni Chiappetta, Jean Bouvet, Namita-Raju John, Gabrielle Schanne, Pauline Gehan, Samuel Diebolt, Shakir Shakir, Elodie Quévrain, Emilie Mathieu, Sylvie Demignot, Philippe Seksik, Nicolas Delsuc, Joelle Vinh, and Clotilde Policar
Kinetic Redox Shotgun Proteomics Reveals Specific Lipopolysaccharide Effects on Intestinal Epithelial Cells, Mitigated by a Mn Superoxide Dismutase Mimic
Angew. Chem. Int. Ed. 2025
https://doi.org/10.1002/anie.202422644
Voir aussi :

