Définitions

Une substance (ou mélange ou procédé) est qualifiée de cancérogène si elle peut provoquer l’apparition d’un cancer ou en augmenter la fréquence. Exemples : amiante, poussières de bois, benzène mais aussi rayonnement ionisants, agents biologiques.

Un agent chimique est qualifié de mutagène s’il induit des altérations de la structure ou du nombre de chromosomes des cellules. L’effet mutagène (ou atteinte génotoxique) est une étape initiale de développement du cancer.

Un agent chimique est qualifié de toxique pour la reproduction (ou reprotoxique) s’il peut altérer la fertilité de l’homme ou de la femme, ou altérer le développement de l’enfant à naître (avortement spontané, malformation).

On distingue deux catégories :

  • Catégorie 1 : s’il s’agit d’un agent CMR aux effets avérés (1A à partir de données humaines, 1 B à partir de données animales) ;
  • Catégorie 2 : s’il s’agit d’un agent CMR aux effets suspectés, à partir de données animales.

Mentions de danger correspondant aux agents chimiques CMR

Comme indiqué dans l'article « Équipements de protection individuelle et stockage des produits chimiques », avec l’exemple de l’hexane et du cyclohexane, il n’existe pas de pictogramme de danger indiquant qu’une substance est CMR. Il faut donc regarder les mentions de danger.

Extrait du mémento du règlement CLP (INRS)
Classement Pictogramme Mention d’avertissement Mention de danger Seuil
Cancérogène cat. 1A Danger H350 ou H350i ≥ 0,1 %
Cancérogène cat. 1B Danger H350 ou H350i ≥ 0,1 %
Cancérogène cat. 2 Attention H351 ≥ 1 %
Mutagène cat. 1A Danger H340 ≥ 0,1 %
Mutagène cat. 1B Danger H340 ≥ 0,1 %
Mutagène cat. 2 Attention H341 ≥ 1 %
Toxique pour la reproduction cat. 1A Danger H360 ou H360F ou H360D ou H360FD ou H360Fd ou H360Df ≥ 0,3 %
Toxique pour la reproduction cat. 1B Danger H360 ou H360F ou H360D ou H360FD ou H360Fd ou H360Df ≥ 0,3 %
Toxique pour la reproduction cat. 2 Attention H361 ou H361f ou H361d ou H361fd ≥ 3 %
Ayant des effets sur ou via l’allaitement (cat. supplémentaire) - - H362 ≥ 0,3 %

Remarques : i  signifie "par inhalation", F signifie "peut nuire à la fertilité", f signifie "susceptible de nuire à la fertilité", D signifie "peut nuire au fœtus", d signifie "susceptible de nuire au fœtus".

Certains agents CMR fonctionnent sans effet de seuil, c’est-à-dire qu’ils peuvent avoir des effets même à de très faibles doses. Les valeurs limites qui sont fixées pour ces agents ne constituent pas une protection absolue contre ces risques.

La substitution des agents chimiques dangereux (ACD)

La substitution des Agents chimiques dangereux (ACD) est obligatoire pour les agents CMR avérés (donc de catégorie 1A ou 1B, voir les mentions de danger correspondantes dans le tableau 4). En cas d’impossibilité technique, l’employeur doit pouvoir justifier des tentatives effectuées et les résultats de ces investigations doivent être consignés dans le document unique (article R.4412-66 du code du travail).
Les travaux exposant à des agents chimiques CMR sont interdits aux jeunes travailleurs de moins de 18 ans.
Les postes de travail exposant à certains agents chimiques CMR sont également interdits aux femmes enceintes ou allaitantes ainsi qu’aux travailleurs en contrat à durée déterminée (CDD) et aux travailleurs temporaires. Les agents CMR avérés ne peuvent être mis sur le marché ni utilisés par le grand public à une concentration supérieure ou égale à la limite de concentration spécifique.
La substitution des autres agents chimiques dangereux (ACD) (article R.4412-15 du Code du travail) est une mesure de prévention prioritaire ; toutefois, lorsque la substitution de ces agents chimiques dangereux n’est pas possible au regard de la nature de l’activité et de l’évaluation des risques, d’autres mesures peuvent être mises en place (équipement de protection collective sinon individuelle).

Exemple de substitution : la phénolphtaléine

Solutions de phénolphtaléine

La phénlophtaléine est un indicateur coloré dont la forme acide est incolore et dont la forme basique est rose.

Auteur(s)/Autrice(s) : Science Photo Library / Turtle Rock Scientific Source : Science Photo Library

La phénolphtaléine, utilisée en solution comme indicateur acido-basique, est cancérogène de catégorie 1 B (H350) avec une limite de concentration spécifique de 1 %, mutagène de catégorie 2 (H341) et toxique pour la reproduction de catégorie 2 (H361f).
La fiche de substitution FAS 33 de l’INRS propose des indicateurs de substitution dont en particulier le bleu de thymol qui a sensiblement la même zone de virage (jaune à pH inférieur à 8,0, bleu pour un pH supérieur à 9,6). Cet indicateur est utilisé en solution à 0,04 % dans l’éthanol.

 

Pictogrammes et mentions de danger du bleu de thymol en solution alcoolique
Solution alcoolique de bleu de thymol à 0,04 % H225  - Liquide et vapeurs très inflammables
H319 - Peut provoquer une sévère irritation des yeux

On peut trouver également dans le commerce des solutions commerciales alcooliques de phénolphtaléine à 0,2 ou 0,5 %, donc à une concentration inférieure à la limite de concentration spécifique mais la substitution est toujours préférable.

Exemple de substitution : le chromate de potassium

      Formation du précipité de chromate d'argent, de couleur rouge brique

      Réaction entre une solution de nitrate d'argent et une solution de chromate de potassium pour former un précipité de chromate d'argent.

      Auteur(s)/Autrice(s) : Science Photo Library / Winters, Charles D. Source : Science Photo Library

      Le chromate de potassium est utilisé comme indicateur de fin de réaction pour le titrage des ions chlorure par les ions argent à raison usuellement de 4 gouttes d’une solution à 50 g.L-1 par titrage.
      Le chromate de potassium est classé cancérogène de catégorie 1 B (H350i), mutagène de catégorie 1B (H340) et toxique pour la reproduction de catégorie 1B (H360FD), le tout sans limite de concentration spécifique donc on peut considérer que le seuil générique de 0,1 % s’applique.
      Il est donc nécessaire de le substituer (fiche d’aide à la substitution FAS 12 de l’INRS) :

      • soit en choisissant la méthode de Fajans en utilisant un indicateur d’adsorption, la fluorescéine, à raison que quelques gouttes d’une solution de fluorescéine par titrage (solution préparée en dissolvant quelques grains de fluorescéine dans 2 mL d’un mélange deux tiers éthanol, un tiers eau) ;
      • soit en faisant un titrage conductimétrique ou potentiométrique (l’électrode indicatrice est alors une électrode d’argent et l’électrode de référence au chlorure d’argent est munie d’une allonge contenant une solution de nitrate de potassium).

      La méthode de Fajans a fait l’objet d’un article dans Le BUP [7].
      On peut également utiliser une solution de chromate de potassium correspondant au seuil générique en apportant autant d’indicateur que dans 4 gouttes d’une solution à 50 g.L-1. Pour cela il faudra 10 mL d’une solution de chromate de potassium à 1 g.L-1 [8]. La substitution reste cependant toujours préférable.

      Exemple de substitution : éluant pour chromatographie sur couche mince

      Chromatographie sur couche mince (CCM)
      Auteur(s)/Autrice(s) : Science Photo Library / Trevor Clifford Photography Source : Science Photo Library

      Lorsque l’on fait une recherche d’éluant pour identifier les constituants présents à l’occasion d’un TP d’hydrodistillation de la lavande, de synthèse de l’éthanoate de linalyle ou d’analyse de parfums, on peut trouver les éluants suivants:

      • 50 mL hexane, 20 mL chloroforme, 2 mL acétone [9] ;
      • dichlorométhane [10-11] ;
      • mélange cyclohexane – dichlorométhane 1/1 (enseignement à distance de seconde) [12] ;
      • mélange cyclohexane – éther 1/1 [13-14].

      Sur le site de l’Agence européenne des produits chimiques, on peut constater que l’hexane est classé toxique pour la reproduction de catégorie 2 (H361f), le dichlorométhane cancérogène de catégorie 2 (H351) et le chloroforme cancérogène de catégorie 2 (H351) et toxique pour la reproduction catégorie 2 (H361d).
      On peut substituer les éluants proposés, pour cette analyse par :

      • un mélange cyclohexane – éther 1/1 ;
      • un mélange heptane – acétate d’éthyle 3/1.

      Pour ces deux mélanges, on effectuera un travail sous hotte car le cyclohexane, tout comme l’heptane, présente la mention de danger H304 (Peut être mortel en cas d'ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires). Il est préférable de choisir le second mélange car l’éther est extrêment inflammable (H224) alors que l’acétate d’étayle est très inflammable (H225).
      Le point éclair est également plus bas pour l’éther (- 40 °C) que pour l’acétate d’éthyle (- 4 °C). Le point éclair est la température minimale à laquelle, dans des conditions spécifiées, un liquide émet des vapeurs en quantités telles qu’il en résulte un mélange air/vapeur inflammable.

      Exemple de substitution : expériences qualitatives sur la solubilité en classes préparatoires MPSI1 et PCSI2

      Expérience de la pluie d'or : la réaction entre le nitrate de plomb et l'iodure de potassium conduit à un précipité jaune d'iodure de plomb PbI2.
      Auteur(s)/Autrice(s) : Science Photo Library / BEAUTY OF SCIENCE Source : Science Photo Library

      L’expérience de la pluie d’or consiste à mélanger des solutions d’iodure de potassium et de nitrate de plomb pour observer la précipitation de l’iodure de plomb PbI2 (pluie d’or). On peut également étudier l’influence de la température sur cet équilibre et faire une étude qualitative de déplacement d’équilibre.
      Le nitrate de plomb est classé cancérogène de catégorie 2 (H351) et toxique pour la reproduction de catégorie 1A (H360). Sa substitution est donc obligatoire.

      En remplacement, on peut étudier la solubilité du dihydrogénophophate de potassium KH2PO4 à différentes températures, on peut préparer une solution sursaturée en dissolvant à chaud 17,5 g de KH2PO4 dans 50 mL d’eau. Le tableau ci-dessous fournit la solubilité du dihydrogénophosphate de potassium en fonction de la température.

      Solubilité du dihydrogénophosphate de potassium en fonction de la température
      Température/°C 0 10 20 30 40 50 60 80
      Solubilité g/100 mL d’eau 14,8 18,3 22,6 28 35,5 41 50,2 70,4

      On peut également étudier la solubilité de l’acide benzoïque en fonction de la température [15].

      Exemple de substitution : le permanganate de potassium

      Cet exemple est détaillé dans le 4e article du dossier.

      Bibliographie et Netographie

      [1]     Site de l’INRS
              
      [2]     Site de l’ECHA
              
      [3]     Site de l’Observatoire National de la Sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement
      [4]     La maîtrise de la protection entre vos mains

      [5]     Fiche de données de sécurité sur l’hydroxyde de sodium
              
      [6]     Fiche de données de sécurité sur le cyclohexane
              
      [7]     I. Wetzel, « Titrage direct des ions chlorures par argentimétrie et sans ion chromate : la méthode de Fajans », Bull. Un. Phys., vol. 96, n° 841 (1), p. 365-369, février 2002.
      [8]     E. Antonot, « La sécurité en travaux pratiques de chimie », novembre 2014 :
              
      [9]     M. Miramond et M. Giulianetti, « Analyse d’un parfum par chromatographie d’adsorption », Bull. Un. Phys., vol. 80, n° 684, p. 865-870, mai 1986.
      [10]   Académie d’Amiens, TP chimie n° 5, Synthèse et identification d’un arôme de lavande
              
      [11]   F. Canaud et M.-O. Martineu, « Aspic, lavande et lavandin », Bull. Un. Phys., vol. 90, n° 789 (1), p. 1941-1950, décembre 1996.
      [12]   Académie de Versailles, Groupe de travail STL, Document élève - Seconde, « Synthèse de l’un des constituants de l’huile essentielle de lavande », année scolaire 2019-2020 :
              
      [13]   Académie d’Aix-Marseille, Lycée Paul Cézanne, Seconde, TP chimie n° 4, « Synthèse et identification d’un arôme de lavande », 2005 :
              
      [14]   Olympiades nationales de la chimie, « Synthèse de l’acétate de linalyle », 2013 :
              
      [11]   How to Make a Crystal Snow Globe With Benzoic Acid Crystals
              
      [12]   E. Antonot, « Toxicité du permanganate de potassium », Bull. Un. Prof. Phys. Chim., vol. 115, n° 1039, p. 1137-1142, décembre 2021.

      4e article du dossier
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