Bref historique

1910 : J.J. THOMSON (raies du Néon). Dans les années 20 et 30 : peu de chimie, mesure des abondances isotopiques dans les gaz. (Prix Nobel en 1906)

1938 : Premier spectre de masse d'une molécule organique : le benzène.

1947 : N.B.S collection de spectres (hydrocarbures - pétrole).

1952 : Théorie du quasi-équilibre (Rosenstock) : - introduction de la chimie en S.M. (considérations cinétiques).

1952 à 56 : (re)découverte des réactions ion-molécule (CH5+). Ionisation chimique (I.C.).

1957 : Tables des potentiels d'ionisation.

1959 : GOLKE réalise le premier couplage de la chromatographie en phase gazeuse avec la spectrométrie de masse CG-SM.

1975 : Premiers appareils de routine en CG/SM à colonnes capillaires.

1981 : BARBER met au point la source à bombardement d'atomes rapides F.A.B.. Possibilité d'analyse de molécules d'intérêt biologique.

1985 : HILLENKAMP, il découvre le MALDI (matrix-assisted-laser-desorption-ionization) qui permet d'effectuer le séquençage de peptides.

1987 : TANAKA met au point la soft laser desorption (technique de désorption laser douce). Prix Nobel de Chimie 2002

1988 : FENN découvre l'électrospray qui permet les mesures de hautes masses moléculaires de peptides. Prix Nobel de Chimie 2002 pour le développement de méthodes de désorption-ionisation douces pour l'analyse structurale par spectrométrie de masse des macromolécules biologiques, telles que les protéines.

La S.M. est passée de la physique de la décharge des gaz à l'étude chimique des peptides de masses moléculaires supérieures à 250 kD (kilo Dalton).

Introduction : domaine d'utilisation et application à la chimie organique

La spectrométrie de masse est une technique analytique très puissante et très sensible permettant d'analyser des composés organiques solides, liquides ou gazeux. Elle permet de déterminer la masse moléculaire, de corréler le spectre d'un composé avec sa structure, d'expliquer des mécanismes de ruptures de liaisons, de trouver les facteurs rendant plus ou moins probable la formation de l'un ou l'autre des fragments ioniques. Par spectrométrie de masse, on peut réaliser des analyses qualitatives et quantitatives. Des limites de détection inférieures au nanogramme et même au picogramme (10-12 g) sont souvent atteintes.

La spectrométrie de masse joue aujourd'hui un rôle important dans les études de pollution de l'environnement et de dopage grâce à sa sensibilité, sa sélectivité et sa possibilité de faire des analyses quantitatives rapides.

Actuellement, les progrès les plus spectaculaires se rencontrent dans le domaine de l'analyse des molécules biologiques (protéines, sucres...) et dans l'étude des polymères grâce à une nouvelle technique : l'électrospray. Celle-ci permet de travailler sur des molécules multichargées et de connaître avec précision la masse moléculaire du composé analysé.

La spectrométrie de masse en tandem appelée SM/SM permet de déterminer des structures de molécules complexes telles que les protéines.

Pouvoir utiliser une technique séparative, telle que la chromatographie en phase gazeuse, en phase liquide, ou l'électrophorèse capillaire, couplée à la spectrométrie de masse augmente les performances de cette dernière. L'évolution de l'informatique a également permis à la spectrométrie de masse de connaître son plein épanouissement.

Appareillage

Description de base d'un spectromètre de masse

Un spectromètre de masse est constitué au minimum :

  • d'un système d'introduction de l'échantillon

  • d'une source d'ions ou chambre d'ionisation

  • d'un analyseur qui sépare les ions en fonction de leur masse et de leur charge

  • d'un détecteur qui détecte les ions sortant de l'analyseur

Le vide étant fait dans chacun de ces éléments.

Les systèmes d'introduction

  • La première étape est l'introduction de l'échantillon dans la source d'ions. Cette introduction dépendra de l'état physique de l'échantillon : gaz, solide ou liquide.

  • Pour les gaz et les liquides volatils, il existe des systèmes d'introduction à l'aide d'un ballon chauffé et mis en communication avec la source.

  • Pour les solides, on utilisera généralement une canne d'introduction possédant un filament sur lequel on déposera l'échantillon préalablement dissout dans un solvant organique. L'échantillon peut être également introduit par un système séparatif chromatographique en phase gazeuse (C.G.), liquide (C.L.), ou électrophorèse capillaire (E.C.) couplée à la spectrométrie de masse.

Les différents modes d'ionisation

L'impact électronique (I.E.)

Il s'agit de la technique d'ionisation la plus ancienne. Elle consiste à obtenir, sous vide, l'interaction d'une molécule M et d'un électron accéléré à quelques dizaines de volts (généralement 70 eV).

L'ionisation chimique (I.C.)

Dans ce cas, la pression du gaz réactant ( comme l'ammoniac) dans la source d'ions (P = 1,1333.10Pa à 1,1333.102 Pa) est telle que des interactions entre des ions formés par impact électronique et des molécules neutres ont lieu.

L'electrospray (E.S.I.)

Il s'agit d'une technique qui permet de désolvater et d'ioniser les molécules d'échantillons dissoutes dans un solvant sous l'influence d'un champ électrique. Elle a lieu dans une source à la pression atmosphérique.

Spectrométrie de masse à ions secondaires avec cible liquide (L.S.I.M.S.)

Il s'agit d'une technique de désorption-ionisation par des ions rapides (Cs+ accélérés à 30 kV) en présence d'une matrice liquide.

Bombardement par atomes rapides (F.A.B.)

Des composés dissous dans une matrice liquide subissent une désorption-ionisation grâce à l'impact d'atomes énergétiques.

Désorption-ionisation laser assistée par matrice (MALDI)

Un échantillon solide dispersé dans une matrice est irradié de photons émis par un laser dont la longueur d'onde est située dans la bande d'absorption de la matrice. On obtient la désorption de molécules ionisées intactes. On peut observer l'ion M+, (M + H)+, (M + Na)+, (M - H)-, des ions multichargés M2+, M3+, M3-, etc... ainsi que des agrégats 2M+, 3M+, 2M-, etc... mais peu d'ions fragments.

Désorption plasma (P.D.M.S)

Cette technique utilise les produits de fission de l'isotope radioactif 252 du Californium 252 Cf pour bombarder une cible sur laquelle est déposée l'échantillon à analyser. Le californium se désintègre en émettant des ions multichargés de très grande énergie cinétique (environ 100 MeV).

Quelques analyseurs

L'analyseur magnétique

D'après la loi de Laplace, on peut écrire la relation ci-dessous liant la norme de la force, notée F, exercée par un champ magnétique de norme B sur une particule de charge z animée d'une vitesse perpendiculaire au champ magnétique, de norme v :

F = z.v.B = m.v2/R

D'où : v = z.B.R/m

Or, ½.m.v2 = z.V (énergie cinétique = énergie potentielle )

D'où m/z = B2R2/(2V), où :

  • R est le rayon de courbure de l'électroaimant
  • V est la tension d'accélération
  • B est la norme du champ magnétique

Ainsi le spectre de masse est obtenu en faisant varier soit B soit V.

L'analyseur quadripolaire

Les analyseurs quadripolaires sont constitués de quatre barres parallèles ayant idéalement une section hyperbolique, disposées symétriquement autour d'un axe. Ces quatre barres sont associées électriquement deux par deux. A une paire d'électrodes est appliquée un potentiel électrique de la forme :

F(t) = u + v.cos(ω.t), où:

  • u est l'amplitude de la tension continue
  • v est l'amplitude de la tension haute fréquence
  • ω est la pulsation (fréquence de l'ordre de 2 MHz)

A l'autre paire d'électrodes est appliqué un potentiel opposé -F(t). Les ions formés dans la source sont introduits à une extrémité du filtre selon l'axe de celui-ci. Les champs continus et de haute fréquence dont les directions sont perpendiculaires à l'axe du filtre communiquent un mouvement latéral oscillatoire aux ions. Le mouvement des ions est décrit par des équations dites de Mathieu dont la résolution montre que seuls les ions ayant une valeur du rapport m/z comprise dans une certaine bande possèdent une trajectoire stable et sont transmis par le filtre, les autres ions étant captés par les électrodes. Ce rapport m/z dépend de la distance séparant les électrodes, de la fréquence et des tensions u et v. En pratique puisque les deux premières valeurs sont constantes, seules varient les tensions u et v. En balayant entre 0 et les valeurs maximales (mais en maintenant leur rapport constant) des amplitudes des tensions continues et de hautes fréquences appliquées aux électrodes, les ions sont transmis successivement par le filtre dans l'ordre croissant des valeurs du rapport m/z, avec une résolution constante.

L'analyseur à piégeage d'ions (trappe ionique)

La technique consiste à produire les ions directement dans la trappe par impact électronique. Il n'y a pas de source séparée. Les ions sont produits par un flux d'électrons de courte durée et piégés dans la trappe au moyen de radiofréquences uniquement. Les ions sont expulsés de la trappe successivement d'après leurs masses croissantes.

Cet analyseur est constitué d'une électrode hyperbolique ayant la forme d'un anneau (« ring electrode »), encadrée de deux autres électrodes hyperboliques, les calottes supérieure et inférieure (« cap electrodes »). Ces dernières sont électriquement reliées.

L'analyseur à temps de vol

A l'intérieur du tube, les ions se déplacent selon un mouvement rectiligne uniforme. Les ions arrivent donc au collecteur dans l'ordre croissant de leur masse. Supposons que la différence de potentiel d'accélération soit V et que l'énergie acquise soit E. Un ion de masse m et de charge totale q = z.e aura une énergie cinétique à la sortie de la source :

E = ½ m v2 = q V

v = (2.q.V/ m )1/2 = L / T

où L est la longueur du tube de vol de l'analyseur à temps de vol et T est le temps écoulé pour atteindre le détecteur.

D'où : T = (m / q)1/2 L ( 2.V )-1/2

Ce type d'analyseur est utilisé pour accéder aux très hautes masses.

Tableau récapitulatif entre modes d'ionisation et analyseur

 

TECHNIQUES MODE DE PRODUCTION DES IONS ANALYSEUR DE MASSE NATURE DE L'ECHANTILLON DANS LA SOURCE

I.E.

Impact Electronique

Impact d'électrons de 70 eV

1,13.10-2 Pa

Quadripôle (Q) ou secteur magnétique (B) ou résonance cyclotronique ou trappe ionique Gaz

I.C.

Ionisation Chimique

Plasma d'ions réactant

1,13.101 à 1,13.102 Pa

Quadripôle (Q) ou secteur magnétique (B) ou résonance cyclotronique ou trappe ionique Gaz

ES

Electrospray

Gradient de champ électrique et énergie thermique, création de microgouttelettes

pression atmosphérique

Quadripôle (Q) ou secteur magnétique (B) ou résonance cyclotronique ou trappe ionique Gaz

L.S.I.M.S.

Spectrométrie de Masse à Ions Secondaire avec cible Liquide

Impact d'ions de faible énergie (q.q keV) Quadripôle (Q) ou secteur magnétique (B) ou résonance cyclotronique ou trappe ionique Solide

F.A.B.

Bombardement par Atomes Rapides

Impact d'atomes neutres (keV) Quadripôle (Q) ou secteur magnétique (B) ou résonance cyclotronique ou trappe ionique Liquide (glycérol)

M.A.L.D.I.

Désorption Laser Assistée par Matrice

Impact de photons émis par un laser Analyseur à temps de vol (T.O.F.)

Solide

P.D.M.S.

Désorption de Plasma

Impact d'ions de forte énergie (100 MeV) Analyseur à temps de vol (T.O.F.) Solide

Références bibliographiques

  • E. de HOFFMANN. J. CHARETTE. V. STROOBANT. Spectrométrie de Masse : cours et exercices corrigés. Dunod. 2ème édition, 1999.
  • E. CONSTANTIN. P. TRALDI. D. FAVRETTO. A. SCHNELL. Spectrométrie de Masse : Principes et Applications. Technique et Documentation Lavoisier. 2ème édition, 1996.
  • R. B. COLE. Electrospray ionization mass spectrometry : fundamentals, instrumentation and applications. John Wiley and Sons. 1997.
  • Alex. G. HARRISON. Chemical Ionization - Mass Spectrometry. 2ème édition, 1992.
  • R.E. MARCH. J.F.J. TODD. Practical Aspects of Ion Trap Mass Spectrometry Vol I - Fundamentals of Ion Trap Mass Spectrometry. C.R.C. 1995.
  • R.M. CAPRIOLI. Continuous-Flow Fast Atom Bombardment Mass Spectrometry. Wiley. 1990.
  • F.W. McLAFFERTY. Frantisek TURECEK. Interpretation of Mass Spectra. University Science Books. 1993, 4ème édition.
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