Au-delà de leur présence dans les aliments, l'utilisation des parabènes en tant qu'agent conservateur est largement répandue dans d'autres domaines comme la cosmétique (savon, crème de beauté, shampooing etc...). Les cosmétiques constituent, à ce jour, la gamme de produits où l'on trouve la majorité des parabènes employés comme conservateur. On estime que les trois quarts des cosmétiques contiennent des parabènes.
Définition
Le terme "parabène" (ou paraben en anglais) ne désigne pas une molécule organique spécifique mais un ensemble de molécules qui sont des esters de l'acide parahydroxybenzoïque.
Un parabène est donc un parahydroxybenzoate d'alkyle ; les différents parabènes rencontrés diffèrent par leur groupe alkyle -R (voir figure 1).
Parmi les parabènes les plus couramment utilisés, on rencontre le méthylparabène (E218), l'éthylparabène (E214), le propylparabène (E216) ou le butylparabène.
Comment est-on exposé aux parabènes ?
Comme le désigne le code E2XX, les parabènes entrent dans la catégorie des additifs alimentaires en tant qu'agents conservateurs. Ils sont utilisés pour leurs capacités à freiner efficacement la prolifération des champignons et des bactéries, permettant ainsi une conservation des aliments dans de meilleures conditions à plus ou moins long terme.
Au-delà de leur présence dans les aliments, l'utilisation des parabènes en tant qu'agent conservateur est largement répandue dans d'autres domaines comme la cosmétique (savon, crème de beauté, shampooing etc etc ...). Les cosmétiques constituent, à ce jour, la gamme de produit où l'on trouve la majorité des parabènes employés comme conservateur. On estime que les trois quarts des cosmétiques contiennent des parabènes.
Il semble que la taille de la chaîne alkyle du parabène, renforçant son caractère lipophile du parabène, permette son absoprtion par les cellules graisseuses du corps humain puis son assimilation par le corps humain. En particulier, les cellules mammaires (fortement lipophiles) sont la cible des parabènes. Si le débat est encore présent concernant la voie privilégiée d'absorption des parabènes (oral ou cutanée), les études [1,2] suggèrent que la pénétration par la peau est l'accès principal des parabènes dans le corps humain d'où l'inquiétude liée à l'usage de cosmétiques contenant des parabènes.
Quels effets sur l'Homme ?
Comme nous l'avons signalé pour la mélamine ou le Bisphénol A [3,4], la planéité et la présence de cycles aromatiques favorisent l'intercalation des parabènes au sein des membranes cellulaires ou de l'ADN. Les parabènes agissent effectivement comme un xéno-oestrogène1, c'est à dire comme une hormone de synthèse qui affecte le fonctionnement et la réponse hormonale du corps humain. On remarquera à ce propos, la proximité de structure chimique entre Bisphénol A (BPA) et les parabènes d'autant que les parabènes se lient généralement par paire au site récepteur hormonal dont ils perturbent l'activité [5].
Les recherches actuelles montrent que la longueur de la chaîne alkyle influe considérablement sur la perturbation hormonale : plus la chaîne est longue, plus l'effet xéno-oestrogènique est important. En d'autres termes, les propyl- et butylparabènes ont une activité xéno-oestrogénique supérieure aux méthyl- et éthylparabènes.
La particularité des molécules imitant un effet oestrogénique réside dans la perturbation du système hormonale qu'elles entraînent, provoquant potentiellement une baisse de la fertilité masculine et un accroissement du risque du cancer du sein. A ce stade, il convient cependant de préciser que l'activité xéno-oestrogénique des parabènes reste extrêmement faible comparativement à l'activité hormonale naturelle, compte tenu du niveau de concentration utilisé.
Mais l'effet cumulatif de l'exposition pose un problème de santé publique : les parabènes s'accumulent-ils dans les cellules humaines ? Sont-ils dégradés par des réactions chimiques du corps humain ou restent-ils intacts ? Darbre et al (2004) [6] ont analysé des tissus cancéreux mammaires et ont retrouvé les principaux parabènes intacts au sein de ces cellules (méthyl-, éthyl-, propyl- et butylparabène principalement). Autrement dit, les parabènes sont retenus dans les tissus cancéreux du corps humain, notamment les tissus lipophiles : ils s'y accumulent. En particulier, le parabène détecté dans les plus grandes proportions est le méthylparabène. S'il est le parabène le moins actif d'un point de vue hormonal (car possédant la chaîne alkyle la plus courte), il est le plus largement répandu dans les produits de consommation. De ce fait, son accumulation augmente notablement sa concentration dans ces tissus et ses effets xéno-oestrogènique peuvent s'additionner. En l'état actuel des recherches, aucun lien n'existe entre cette accumulation des parabènes dans les tissus cancéreux mammaires et le développement du cancer du sein en lui-même ; néanmoins aucune étude ne montre non plus que l'emploi des parabènes est sans risque [7].
Enfin Oichi [8,9] a mis en évidence l'effet du propyl- et butylparabène sur une diminution de la production de spermatozoïdes chez le rat juvénile (le méthyl- et l'éthylprabène étant sans effet). L'effet des parabènes sur la fertilité masculine reste à ce jour à préciser, notamment en terme de seuil de toxicité et de transposition à l'Homme de ces expériences sur les rongeurs .
Conclusion
Concernant le seuil de toxicité des parabènes, nous réitérons ici la même réserve que celle énoncée pour le Bisphénol A [4]. Si les doses utilisées sont faibles, plusieurs chercheurs soulèvent le problème d'effets cumulatifs des différents xéno-oestrogènes.
En particulier, Buterin et al. [10] suggèrent que même chez des individus exposés à des doses inférieures au seuil actif de chacun des xénoestrogènes, les effets pourraient s'additionner. La multitude de substances chimiques oestrogéniques auxquelles la population est involontairement exposée, en conjonction avec des changements dans les niveaux hormonaux endogènes, pourrait constituer la cause cumulative d'une augmentation du risque de cancer du sein ou d'autres cancers de tissus dépendants des oestrogènes.
Doit-on également appliquer le principe de précaution ? Une alternative existe : les cosmétiques sans parabènes utilisant d'autres molécules à vertu conservatrice.... mais mais le recul dont nous disposons sur les effets de ces molécules de substitution est encore limité.
Bibliographie et ressources en ligne
[1] E.J. Routledge, J. Parker, J. Odum, J. Ashby, J.P. Sumpter ; Some alkyl hydroxy benzoate preservatives (parabens) are estrogenic ; Toxicol. Appl. Pharmacol. (1998) 153 : 12– 19.
[2] A. Hossaini, J.J. Larsen, J.C. Larsen ; Lack of oestrogenic effects of food preservatives (parabens) in uterotropic assays ; Food Chem. Toxicol. (2000) 38: 319–323.
[3] La mélamine. Structure, toxicité et fraude, un article de CultureSciences-Chimie
[4] Le Bisphénol A (BPA) et les biberons ?, un article de CultureSciences-Chimie
[5] J.R. Byford, L.E. Shaw, M.G.B. Drew, G.S. Pope, M.J. Sauer, P.D. Darbre ; Oestrogenic activity of parabens in MCF7 human breast cancer cells ; J. Steroid Biochem. Mol. Biol. (2002) 80 : 49–60.
[6] P. D. Darbre, A. Aljarrah, W. R. Miller, N. G. Coldham, M. J. Sauer and G. S. Pope ; Concentrations of Parabens in Human Breast Tumours ; Journal of Applied Toxicology 24 (2004) ; 5-13
[7] Cosmetic, Toiletries and Fragrance Administration ; Safety of Parabens - Darbre Paper. RSPT 04-04 ; CTFA Response Statement January 16 (2004) ; 1-2
[8] S. Oishi ; Effects of butyl paraben on the male reproductive system in mice ; Arch. Toxicol. 76 (2002) ; 423-429
[9] S. Oishi ; Effects of propyl paraben on the male reproductive system ; Food and Chemical Toxicology 40 (2002) ; 1807-1813
[10] T. Buterin, C. Koch, H. Naegeli; Convergent transcriptional profiles induced by endogenous estrogen and distinct xenoestrogens in breast cancer cells ; Carcinogenesis ; (2006) 27 (8) : 1567-157