En 1895, le physicien allemand Wilhelm Röntgen alors âgé de 50 ans étudie le rayonnement cathodique avec des tubes de Crookes. Il s’intéresse plus précisément à la pénétration des rayons dans le verre. Il a déjà été constaté à l’époque que les rayons cathodiques peuvent franchir la paroi du tube et pénétrer de quelques centimètres dans l’air.
La préhistoire : décharges électriques dans les gaz
En 1838, le chimiste et physicien britannique Faraday s’intéresse aux décharges électriques dans les gaz raréfiés grâce au dispositif suivant : une anode et une cathode sont placées en vis-à-vis dans un tube en verre, la cathode est mise sous tension et si celle-ci est assez élevée cela déclenche une étincelle entre les deux électrodes (Figure 1) Si on diminue la pression du gaz dans l’ampoule, on constate que l’apparence de l’étincelle se change en une émanation violette. Faraday pense alors avoir découvert un quatrième état de la matière qu’il nomme « matière radiante ».
Cette expérience fut reprise tout au long du dix-neuvième siècle en variant de nombreux paramètres (nature du gaz, forme du tube, pression dans l’ampoule...) mais la nature du phénomène observé restait incomprise. Les progrès techniques dans la conception des ampoules à vide et des pompes à vide permettent au physicien allemand Plücker d’observer que le vide poussé (pression de l’ordre de 100 Pa) rend le tube très résistant au passage du courant : la haute tension ne provoque plus qu’une fluorescence verte sur certaines parois du tube en verre et en particulier en face de la cathode. En 1869, son élève Hittorf prouve que cette lueur est due à l’arrivée sur le verre de rayons qui se propagent en ligne droite depuis la cathode. Pour cela il dispose une croix métallique face à la cathode et observe l’ombre de cette croix sur la paroi du tube opposée à la cathode (Figures 2 et 3). Ces rayons seront nommés « rayons cathodiques ». Il montre également que les rayons cathodiques peuvent être déviés par un aimant.
Par la suite, le chimiste et physicien Crookes perfectionnera encore le dispositif en créant les tubes qui portent son nom. Au sein d’un tube de Crookes, la pression résiduelle est comprise entre 1 et 100 Pa et la cathode est concave pour concentrer le rayonnement. Ce sont ces tubes qui permettront au physicien anglais Thompson d’élucider la nature du rayonnement cathodique en découvrant l’électron en 1897 et à l’allemand Röntgen de découvrir les rayons X.
La découverte des rayons X
En 1895, le physicien allemand Wilhelm Röntgen alors âgé de 50 ans étudie le rayonnement cathodique avec des tubes de Crookes. Il s’intéresse plus précisément à la pénétration des rayons dans le verre. Il a déjà été constaté à l’époque que les rayons cathodiques peuvent franchir la paroi du tube et pénétrer de quelques centimètres dans l’air.
Dans la soirée du 8 novembre, au cours de ses travaux préliminaires il décide de recouvrir le tube d’un cache en carton noir. Il constate alors qu’un écran recouvert d’une couche de platinocyanure de baryum placé fortuitement en face du tube devient fluorescent lors de la décharge. Or il sait qu’à cette distance, la fluorescence ne peut pas être due aux rayons cathodiques. Il éloigne encore l’écran et constate que la fluorescence persiste malgré l’augmentation de la couche d’air à traverser. Puis il intercale des objets entre l’ampoule et l’écran : une feuille de papier, une feuille d’aluminium, du bois, du verre et même un livre de mille pages. À chaque fois la fluorescence persiste : il en conclut qu’il vient de découvrir un rayonnement distinct de celui émis par la cathode, très pénétrant puisqu’il est capable de traverser la matière. Ces rayons étant inconnus jusqu’alors, il les nomme « X » du nom de l’inconnue en mathématiques.
Il consacre les dernières semaines de 1895 à manipuler en solitaire et parvient à attribuer les caractéristiques suivantes aux rayons X :
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Ils sont faiblement absorbés par la matière. Mais cette absorption augmente avec la masse atomique des atomes absorbants : une fine couche de plomb suffit à stopper le rayonnement produit avec ses sources de rayons X.
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Ils sont diffusés par la matière. C'est l’origine du rayonnement de fluorescence.
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Ils impressionnent une plaque photographique.
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Ils déchargent les corps chargés électriquement.
Il montre également que les rayons ont pour origine la paroi du tube de verre à l’endroit où arrive le rayonnement cathodique (i.e. les électrons).
Dans sa première communication faite à la Société Physico-Médicale de Würzburg « Sur un nouveau type de rayon » [1] il remarque que « si l’on met la main entre l’appareil à décharges et l’écran, on voit l’ombre plus sombre des os de la main dans la silhouette un peu moins sombre de celle-ci. » Röntgen décrit la première image radiographique. Il réalise également le premier cliché radiographique le 22 décembre 1895 en intercalant la main de son épouse entre le tube de Crookes et une plaque photographique (Figure 4). Les parties les plus denses et épaisses sont les plus sombres sur la plaque : on distingue une bague sur le majeur.
Röntgen se verra attribuer le premier Prix Nobel de physique en 1901 en récompense « des services extraordinaires rendus possibles par sa découverte des rayons remarquables qui portent son nom » [2].
Premières utilisations en imagerie médicale
Les rayons X suscitent immédiatement un vif intérêt au sein du public : les premières radiographies font le tour du monde par voie de presse et il ne faut pas longtemps pour que la radioscopie (observation sans prise de cliché) et la radiographie deviennent des attractions de foire (Figure 5).
Le corps médical saisit très vite l’intérêt offert par cette technique d’imagerie. Le dentiste allemand Walkhoof présente la première radiographie dentaire deux semaines seulement après la communication de Röntgen à la Société Physico-Médicale de Würzburg (Figure 6). Le temps de pause est très long, 25 minutes, et la qualité du cliché ne permet pas le diagnostic, mais les perspectives ouvertes sont importantes.
L’usage des rayons X pour réaliser des images médicales se répand dans le monde entier dès 1896. En 1897, la France se dote du premier laboratoire de radiologie grâce au docteur Béclère qui met en place, à ses frais, une installation radioscopique dans son service de médecine générale à l’hôpital Tenon. Une radioscopie du thorax des patients permet le dépistage systématique de la tuberculose (Figures 7 et 8). Il inaugure également des cours de radiologie médicale, persuadé que cette technique va devenir indispensable à la pratique médicale. Ses efforts lui valent dans un premier temps d’être méprisé par ses collègues médecins qui lui reprochent de « déshonorer le corps médical en devenant photographe » avant d’être reconnu comme le pionnier de la diffusion de cette technique.
Les premiers manipulateurs opèrent sans protection, ils sont donc constamment soumis au bombardement des rayons X. Leurs mains en particulier sont en première ligne : elle maintiennent l’écran ou la plaque photographique et ne sont donc pas protégées par ce dernier. Le premier effet du rayonnement est la radiodermite : une brûlure grave qui apparaît après un temps d’incubation. À plus long terme un nombre croissant de praticiens déclenche des cancers. En une quinzaine d’année les amputations des doigts et de la main et les décès parmi les praticiens se sont généralisées. Le corps médical prend alors conscience de la nocivité des rayons X sur les tissus humains. Les effets en sont cumulatifs, il faut donc prendre des mesures de protection, c’est la naissance de la radioprotection. Les appareils commencent à être conçus pour permettre une manipulation à distance et le praticien est abrité derrière une vitre plombée pour minimiser l’exposition aux rayons.
Pendant la première guerre mondiale, Marie Curie est à l’origine de la création d’un service de radiologie aux armées dont elle prend la direction. Elle fera équiper des camions d’appareils radiologiques, surnommés les « petites Curie » (Figure 9), qui permettront de monter au front traiter les blessés non-rapatriables à l’arrière. Plus d’un million d’examens radiologiques seront réalisés pendant la guerre évitant ainsi les complications et sauvant sans doute la vie de milliers d’hommes.
Bibliographie et ressources en ligne
Références
[1] W. C. Röntgen, « Ueber eine neue Art von Strahlen » Reproduction in Annalen der Physik und Chemie, 64, 1898, p. 1
[2] Lien vers la page consacrée à Röntgen sur le site des prix Nobel
Pour en savoir plus
- R. A. Brown, « X-Rays and After », JCE, 56, 1979, p. 191
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B. Jech, « 1995 : centenaire de la découverte des rayons X », Bulletin de l’Union des Physiciens, 779, 1995, p. 1887