Les additifs alimentaires sont des substances ajoutées intentionnellement aux denrées alimentaires pour en améliorer la saveur, la texture, l’apparence, la conservation... Ils se décomposent en plusieurs groupes : les conservateurs, les anti-oxygènes, les agents de texture, les colorants, les édulcorants, les acidifiants, et exhausteurs de goût ...
Introduction
Comment la chimie intervient-elle pour rendre ce qu’il y a dans nos assiettes plus appétissant ?
Les additifs alimentaires se décomposent en plusieurs groupes : les conservateurs empêchent le développement et la croissance de micro-organismes indésirables (moisissures, bactéries) dans l’aliment, les anti-oxygènes (ou antioxydants) permettent d’éviter les phénomènes d’oxydation qui peuvent avoir lieu dans certaines denrées alimentaires et qui provoquent par exemple le rancissement des matières grasses ou le brunissement des fruits ou légumes coupés. Les agents de texture (émulsifiants, épaississants, stabilisants...) servent à améliorer l’aspect de certains produits (viscosité, consistance...) et les colorants à ajouter ou redonner de la couleur aux aliments. Enfin les édulcorants, les acidifiants, et exhausteurs de goût sont ajoutés pour renforcer les saveurs.
État actuel de la consommation des additifs alimentaires
Histoire
La conservation et la protection de la nourriture est un problème rencontré par l’homme depuis des siècles : le sel de mer et la fumée sont les premiers moyens naturels utilisés pour conserver la viande (haute antiquité). En Égypte, les colorants et épices sont utilisés très tôt pour améliorer l’aspect de certains produits. Au Moyen Âge, les herbes et épices servaient à parfumer la table des chevaliers.
Puis avec le développement de l’industrie agro-alimentaire dans la seconde moitié du 20ème siècle, les additifs furent alors largement commercialisés dans les aliments.
Réglementation
Aujourd’hui il existe une réglementation très stricte pour l’utilisation des additifs alimentaires. Celle-ci est harmonisée au sein de l’union européenne (pour ses 15 États membres ainsi que la Norvège et l’Islande). Les additifs autorisés ne doivent pas dissimuler d’altération des produits alimentaires, ils ne doivent présenter aucun risque pour la santé. De plus les additifs doivent obligatoirement être mentionnés sur l’étiquette des denrées alimentaires.
Préoccupation des consommateurs
Pour le consommateur, le mot « additif » implique des risques pour la santé. En effet comme tout produit chimique, il a une connotation péjorative. Ces préoccupations sont amplifiées par la télévision, la presse écrite, et certaines discussions scientifiques où, par manque d’information, les consommateurs ont conclu à tort de la toxicité de certains additifs. Des polémiques existent concernant les substances ajoutées : en effet, certains additifs seraient responsables d’hyperactivité chez les enfants et d’allergies. Les consommateurs ont tendance à préférer l'emploi d'additif naturel : il y a un important travail d’information à faire pour éloigner le mythe du naturel (= inoffensif) et du chimique (= dangereux). Aujourd’hui il y a un peu moins de méfiance de la part des consommateurs, mais plus de questions sur l’utilité des additifs.
Étiquetage
Les additifs sont désignés par un code (fixé au niveau européen) : E suivi d’un numéro. Ce préfixe veut dire que le colorant a été examiné par la commission européenne. Le numéro dépend de la fonction de l’additif : 100 pour les colorants, 200 pour les conservateurs, 300 pour les agents antioxydants et 400 pour les agents de texture. Voici quelques exemples d’additifs :
Colorants | Conservateurs | Antioxydants | Agents de texture |
---|---|---|---|
E100 : curcumin | E200 : acide sorbique | E300 : acide ascorbique (vitamine C) | E400 : acide alginique |
E102 : tartrazine | E210 : acide benzoïque | E306 à E309 : tocophérols (vitamine E) | E401 : alginate de sodium |
E140 : chlorophylle | E220 à E228 : sulfites | E406 : agar agar | |
E150 : caramel | E249 à E252 : nitrates et nitrites | E440 : pectine |
Les colorants
Qu'est-ce qu'un colorant ?
La couleur d’un aliment est un facteur important car c’est elle qui en va en premier lieu nous donner envie de manger cet aliment : elle nous donne une idée de la saveur et du goût du produit, elle nous met en appétit ! La couleur est également un indicateur de la qualité de l’aliment. Plus la couleur est attrayante et plus le consommateur aura l’impression que le produit est de bonne qualité. De plus, le consommateur associe à la couleur le goût de l’aliment : pour beaucoup, un sirop de menthe doit être vert et non incolore, ce qui est le cas lorsque aucun colorant n’a encore été ajouté.
Les colorants alimentaires sont des additifs largement utilisés au quotidien pour ajouter une couleur souhaitée à des aliments (confiseries, boissons) ou redonner la couleur perdue au cours de la fabrication de certains produits (boissons, charcuterie, pâtisserie ...). Il existe trois types de colorants : les colorants naturels extraits des végétaux, des fruits ou des légumes, les colorants synthétiques fabriqués par synthèse chimique mais qui sont des répliques d’additifs d’origine naturelle et les colorants artificiels fabriqués par l’industrie chimique mais que l’on ne trouve pas dans la nature.
Les colorants sont des molécules organiques (ou organométalliques) qui possèdent des chromophores c'est-à-dire des groupements d’atomes qui ont la capacité d’absorber certaines longueurs d’onde dans le spectre visible : ce sont eux qui sont responsables de la couleur du colorant. La plupart sont des doubles liaisons conjuguées (alternance de simples et doubles liaisons), des cycles aromatiques, des groupements « azo » caractérisés par une double liaison azote-azote et des groupements carbonyles.
Exemples de colorants utilisés dans l'alimentaire
La plupart des colorants sont d’origine naturelle : il y a par exemple la famille des caroténoïdes qui sont des pigments de couleur jaune, orange ou rouge que l’on trouve très souvent dans les fruits (fraise, cerise, citron..), les légumes (tomates, carottes...) mais aussi les fleurs. Ils sont utilisés pour colorer la charcuterie, les produits laitiers... (E160). Il existe deux types de caroténoïdes : les xanthophylles qui possèdent un ou plusieurs atomes d’oxygène et les carotènes qui sont des hydrocarbures. Les caroténoïdes sont caractérisées par des enchaînements d’unités isopréniques (isoprène = 2-methylbuta-1,3-diène) qui forment un système conjugué. Ce chromophore est responsable de la couleur des carotènes (absorption entre 400 et 500 nm). Au minimum sept doubles liaisons sont nécessaires pour conférer la couleur et celle-ci s’intensifie quand le système conjugué augmente. Les plus connus sont le ß-carotène, un pigment de couleur orange que l’on retrouve dans les carottes, les poivrons, las mangues ou encore les abricots et le lycopène, un colorant qui est responsable de la couleur rouge de certains fruits (tomates, pamplemousse, pastèque). Certains caroténoïdes ont un effet bénéfique pour la santé : fonction anti-oxydante, piégeurs de radicaux libres du aux nombreuses doubles liaisons, ou encore précurseurs de la vitamine A (ß-carotène).
Les chlorophylles, responsables de la couleur verte des plantes, sont les pigments naturels les plus abondants. Leur structure ressemble fortement à celle de l’hème de l'hémoglobine qui est responsable du transfert du dioxygène dans le sang. On retrouve un large système conjugué de doubles liaisons qui absorbe dans le bleue et le rouge du spectre visible, d’où la couleur verte des chlorophylles. Il existe différentes formes de chlorophylles qui diffèrent légèrement dans leur structure. Ces colorants sont utilisés pour colorer les sirops, les confiseries ... etc (E140).
Nous connaissons tous le rouge de betterave dont l’agent colorant principal est la bétanine qui est utilisé notamment dans les glaces, les pâtisseries et certaines boissons (E162) ou encore les anthocyanes responsables de la coloration rouge, bleue ou violette du raisin, des myrtilles et de nombreuses fleurs, et qui sont utilisés dans les produits laitiers, les fromages et leurs croûtes, les glaces, les biscuits... (E163).
Certains sont d’origine synthétique : la tartrazine est un colorant jaune intense utilisé pour colorer les sodas, du riz... Il comporte le groupement « azo » conjugué avec des cycles aromatiques. Cependant d’un point de vue toxicologique, ce colorant ainsi que d’autres colorants artificiels, font l’objet de nombreuses interrogations et seraient responsables de certaines allergies. Les industriels essayent donc de développer des colorants de remplacement : le POP (produit d’oxydation de la phloridzine) est une alternative envisageable de la tartrazine. C’est un colorant jaune obtenu à partir de l’oxydation naturelle d’un composé présent dans le marc de pomme (résidus obtenus après pressurage) mais sa formation reste encore trop coûteuse.
Les Agents de Texture
La texture des aliments qui se trouvent dans nos assiettes influence grandement nos préférences alimentaires. En effet, pourquoi peut-on préférer la mousse au chocolat au flanc au chocolat, alors que les ingrédients sont les mêmes ?
Afin d’offrir une variété sensorielle, il faut intervenir sur les matières premières telles que les œufs, le lait, la farine auxquelles peuvent être ajoutés des agents de texture afin d’obtenir l’aspect ou la consistance souhaité. Mais quels sont ces agents de texture ?
Définition
Les agents de texture permettent d’améliorer la présentation ou la tenue des aliments. Il peut s’agir de protéines, d’origine végétale (gluten de blé, protéines de soja...) ou animale (gélatine...) ou de polysaccharides : les polyosides d’origine végétale (l’amidon, les pectines...) ou microbienne (le xanthane, le gellan...).
Nous nous attarderons ici sur les agents de texture de type polyosides, appelés aussi hydrocolloïdes, qui, en modifiant le comportement de l’eau contenue dans les aliments, permettent soit d’épaissir (épaississants) soit de gélifier (gélifiants).
Propriétés générales des agents de texture
Les polyosides sont des polymères correspondant à un enchaînement d’oses (sucres monomères tels que le glucose). Dans leur structure, les oses peuvent se lier aux molécules d’eau et, en formant des complexes volumineux, modifient le comportement de l’eau.
Les épaississants et gélifiants alimentaires sont des macromolécules qui se dissolvent ou se dispersent aisément dans l’eau. Leur solubilité est due à la présence de nombreux groupements hydroxyles (-OH), et plus la chaîne d’oses aura de ramifications latérales, plus elle sera soluble.
L’épaississement et la gélification reposent sur le comportement des macromolécules en milieu aqueux. Les hydrocolloïdes vont modifier la viscosité de l’eau contenue dans les aliments.
Les épaississants
Les épaississants permettent d’augmenter la viscosité de l’eau dans les aliments à des faibles concentrations. Ils servent notamment à rendre plus épaisses des substances trop liquides (sauces). L’épaississement résulte en fait d’un enchevêtrement des macromolécules sans qu’il y ait de fortes interactions entre ces macromolécules.
Le xanthane est un exemple d’épaississant très utilisé dans les sauces et mayonnaise afin de texturiser en bloquant les gouttes d’huile dans l’eau.
Une bactérie, Xanthomonnas campestris, permet la fermentation du glucose (en se multipliant elle utilise le glucose du milieu) et synthétise ainsi le xanthane.
C’est un biopolymère constitué de deux parties : une chaîne principale constituée d’unités glucoses (des sucres) et une chaîne latérale anionique qui se trouve tous les deux monomères. En présence de sels, la partie anionique va s’associer aux cations sodium et calcium et se transforme en bâtonnets rigides. Ces bâtonnets sont désordonnés mais en présence d’un courant, ils vont s’orienter dans le sens du courant, et pourront maintenir des objets en suspension.
Les gélifiants
L’état dit « gel », proche de l’état solide, peut résister à certaines contraintes. C’est un système constitué par un réseau macromoléculaire tridimensionnel solide retenant entre ses mailles la phase liquide. La formation du gel, qui est réversible, se fait par association de chaînes, ou segments de chaînes, entre eux.
Provenant d’algues brunes bretonnes, les alginates peuvent être de différents types selon leur structure. Elles ont un pouvoir épaississant et en présence d’ions calcium, elles seront gélifiantes.
L’alginate est un polymère formé de deux monomères : le mannuronate (séquence polymannuronique) et le glucuronate (séquence guluronique).
Ces macromolécules possèdent des groupements carboxylates COO-. La conformation des séquences guluroniques est telle que les groupements carboxylates vont fixer des ions Ca2+. C’est un phénomène : l’ion Ca2+ va se lier fortement à deux chaînes adjacentes et l’alginate se gélifie ainsi en forme de « boîte à œufs » (l’œuf étant l’ion calcium).
Le gel d’alginate est très utilisé pour gélifier des produits tels que les poivrons, pour reconstituer des viandes ou pour la gastronomie moléculaire.
Bibliographie et Ressources en Ligne
- La chimie et l’alimentation pour le bien-être de l’homme ; un ouvrage EDPSciences.
- Additifs et auxiliaires de fabrication dans les industries agroalimentaires par Béatrice de Reynal et Jean-Louis Multon. Éditions TEC & DOC / LAVOISIER.
- Food colorants : chemical and functional properties, edited by Carmen Socaciu, CRC Press 2007.
- Notre planète Info : https://www.notre-planete.info/.
- Les Colorants alimentaires - Produit du Jour - Société Chimique de France : https://new.societechimiquedefrance.fr/produits/colorants-alimentaires/.