Un aliment contient de nombreux composés volatils, que l’on peut percevoir de deux manières : par voie nasale directe (ce qui correspond à l’odeur) ou par voie rétronasale lorsque l’aliment est placé dans la bouche, ce qui donne naissance à l’arôme. L’ensemble des composés volatils responsables de la perception d’arôme est également désigné sous le même vocable d’arôme. Dans ce document, nous allons voir ce qu'est un arôme, et les méthodes d'extraction les plus utilisées.
De quoi est fait un arôme ?
Les molécules d’arôme sont des composés organiques de faible masse moléculaire dont la tension de vapeur à la pression atmosphérique et à température ambiante est suffisante pour provoquer la volatilisation dans l’atmosphère gazeuse et produire un stimulus olfactif au contact de la muqueuse olfactive.
Ces composés volatils appartiennent aux différentes classes de la chimie organique : hydrocarbures, aldéhydes, acides, alcools, esters, etc. Ils n’apportent aucune contribution énergétique aux aliments dans lesquels ils se trouvent mais jouent un rôle fondamental dans la reconnaissance des aliments et le plaisir que l’on tire de la dégustation des préparations culinaires.
Ils sont présents dans les aliments en très faibles quantités, voire à l'état de traces, sauf dans le cas des épices et des aromates où leur concentration peut être parfois très élevée (voir tableau 1). Par exemple le clou de girofle en compte 15 à 20 %.
Type d'aliment | Quantité d'arôme |
---|---|
Viandes, fruits et légumes | 50 ppm |
Herbes aromatiques | de 0,1 à 1 % |
Epices | de 1 à 20 % |
Leur nombre dans un produit alimentaire est variable, mais généralement de plusieurs centaines. Dans le café par exemple, on a identifié à ce jour plus de 800 composés d'arôme. Tous ces composés ne jouent pas le même rôle. Certains sont plus indispensables à la note caractéristique du produit : on les appelle des composés clefs de l'arôme. Tel est le cas de la note champignon communiquée par l'oct-1-èn-3-ol (voir figure 1).
L'extraction des composés d'arômes
Il est possible de concentrer ou d'extraire les composés d'arômes en utilisant diverses techniques : déshydratation, distillation, entraînement à la vapeur d'eau, etc. Selon la technique utilisée, on obtient divers produits : huile essentielle, oléorésine (résinoïde ou concrète), infusion, alcoolat, etc...
Concentration par déshydratation
Cette technique consiste à éliminer du matériel végétal la plus grande partie de l'eau. On obtient ainsi soit un produit sec qui sera utilisé comme matière première aromatique (ex : ail déshydraté) soit un concentré aqueux (ex : concentré d'orange).
L'expression
Cette technique consiste à récupérer les composés volatils par des moyens mécaniques (abrasion, compression, incision, perforation). On obtient ainsi une huile essentielle. Cette technologie est utilisée industriellement pour l'obtention d'huiles essentielles d'agrumes. En général, on couple la récupération d'huile essentielle avec l'extraction du jus.
La distillation sèche
Elle consiste à entraîner les composés volatils par la vapeur d'eau produite par chauffage de la matière végétale. Le produit obtenu est une huile empyreumatique. Cette technique est utilisée en particulier pour la fabrication des arômes de fumée à partir de bois (cade, bouleau) mais son importance reste limitée.
L'entraînement à la vapeur d'eau
C'est la technique d'extraction des composés volatils la plus ancienne et qui reste la plus utilisée. Elle consiste à percoler la matière première par de la vapeur d'eau. L'huile essentielle est récupérée à partir des condensats par décantation (voir figure 2). L'eau résiduelle peut encore contenir une faible proportion de certains composés volatils et peut être utilisée sous le terme d'eau florale.
La chaudière (1) produit de la vapeur d'eau qui est envoyée dans l'extracteur (2) dans lequel se trouve le produit végétal dont on veut extraire les composés d'arôme. Après condensation dans un réfrigérant (3), la phase aqueuse est séparée de la phase lipidique dans un vase florentin (4). La phase lipidique mise en jeu dans cette méthode est moins dense que la phase aqueuse. On récupère la phase lipidique contenant la majorité des composés d'arôme et qui est appelée huile essentielle. La phase aqueuse est réutilisée en étant réinjectée dans la chaudière, c'est ce que l'on appelle le cohobage (5). On peut également récupérer cette eau résiduelle, comportant une faible proportion de composés d'arôme, qui porte alors le nom d'eau florale.
Extraction par des solvants
On distingue plusieurs types d'extraits en fonction
- de la nature du solvant utilisé
- de l'élimination ou non du solvant à la fin.
L'infusion ou teinture est le résultat d'une macération à chaud ou à froid, dans l'eau ou dans l'alcool ou dans un mélange des deux, le solvant étant évidemment conservé.
La pommade est un extrait obtenu à partir de fleurs et de matières grasses solides qui constituent le solvant (ex : mélange suif/saindoux encore appelé axonge), soit par macération à chaud soit par enfleurage. L'enfleurage consiste à mettre en contact des fleurs et une matière grasse, le parfum qui s'exhale des fleurs venant s'adsorber sur la matière grasse solide. Il est possible de séparer la fraction volatile de la matière grasse solide par dissolution à chaud dans l'alcool éthylique suivie d'un glaçage aux alentours de -18°C puis filtration, ce qui élimine les matières grasses solides. La solution alcoolique est alors distillée sous pression réduite pour éliminer l'alcool, le résidu liquide contenant tous les composés volatils étant appelé une absolue (ex : absolue de rose).
Les oléorésines (concrètes et résinoïdes) sont des extraits obtenus par macération d'une matière végétale aromatique avec un solvant organique qui sera éliminé par distillation sous pression réduite en fin d'opération. Les concrètes concernent des végétaux frais alors que les résinoïdes concernent des végétaux séchés ou des résines. Cette technique d'extraction présente l'avantage de récupérer non seulement les matières organiques volatiles, mais aussi des matières sapides1 non volatiles (ex : composés piquants et brûlants du poivre, du gingembre ou du piment) ainsi que certains colorants lipidiques, triglycérides et résines. C'est donc un extrait beaucoup plus complet, mais également plus difficile à utiliser puisqu'il faudra résoudre de délicats problèmes de solubilisation lors de la fabrication d'un arôme (ex : arôme de vanille pour glace).
Les solvants organiques utilisés doivent posséder un certain nombre de propriétés : être peu sélectifs vis-à-vis des composés d'arôme, être dépourvus de toxicité, être chimiquement inertes et stables et enfin être facilement éliminables par distillation sous pression réduite sans entraîner la perte de composés volatils. Citons parmi les plus utilisés l'hexane, l'alcool éthylique, certains solvants chlorés (dichlorométhane) et le dioxyde de carbone à l'état supercritique2. Ce dernier solvant nécessite d'utiliser des appareils résistants à des pressions pouvant aller jusqu'à 400 fois la pression atmosphérique, l'avantage en étant que lors du retour à pression atmosphérique le solvant est automatiquement éliminé (vaporisation). Voir la figure 3 pour un schéma de l'extraction par solvant.
La circulation du solvant se fait à contre courant du matériel végétal, ce qui permet d'optimiser le rendement de l'extraction. Le solvant du miscella est éliminé sous pression réduite, on obtient alors une oléorésine. Parmis les principaux solvants utilisés citons l'hexane (68,7°C), l'acétate d'éthyle (77,1°C), le dichlorométhane (39,8°C) et l'éthanol (78,5°C).
Si on peut bien sûr utiliser directement les plantes et herbes aromatiques sans extraction préalable de leurs composés aromatiques (prenons comme exemple le thym ajouté dans une préparation culinaire), les particuliers et plus encore l'industrie vont souvent utiliser des extraits. Sur la base de propriétés physiques communes (en particulier d'hydrophobicité), les méthodes d'extraction des composés d'arôme vont varier selon la nature de la source et l'usage qui est prévu d'en faire. Cependant, l'obtention d'un extrait n'est pas la fin de l'histoire mais le début, car la route est encore longue avant que naisse de ces extraits un arôme qui sera apprécié.
Bibliographie et ressources en ligne
Bibliographie
- Chimie des substances odorantes, P.-J. Teisseire, Tec et Doc, 1991. Ouvrage axé sur la synthèse des molécules odorantes, contenant de nombreuses références.
- De la molécule à l'odeur, U.J. Meierhenrich, J. Golebiowski, Xavier Fernandez, D. Cabrol-Bass, Actualité Chimique, p.29-40, 289, (2005). Article sur les bases moléculaires des premières étapes de l'olfaction.
- Le prix Nobel de physiologie / médecine 2004 a été attribué à deux chercheurs pour leurs travaux sur le système olfactif : lien vers une présentation illustrée sur le site du comité Nobel (en anglais).
Ressources en ligne
CultureSciences-Chimie propose plusieurs ressources sur les techniques d'extraction et des articles sur des sujets connexes, proposés ci-après.